- émeute
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• 1326; esmote, esmuete « mouvement, émoi » XIIe; a. p. p. de émouvoir♦ Soulèvement populaire, généralement spontané et non organisé, pouvant prendre la forme d'un simple rassemblement tumultueux accompagné de cris et de bagarres. ⇒ agitation, insurrection, révolte, soulèvement, 2. trouble. Manifestation qui tourne à l'émeute. « Je jugeai qu'il ne s'agissait pas d'une émeute, mais d'une révolution » (Chateaubriand). « L'émeute raffermit les gouvernements qu'elle ne renverse pas » (Hugo).Synonymes :- sédition- soulèvement- troublesémeuten. f. Soulèvement populaire, le plus souvent spontané. Manifestation qui tourne à l'émeute.⇒ÉMEUTE, subst. fém.A.— Vieilli. Émoi, émotion. Elle avait beau faire, Rosalie ne se livrait à aucune espèce d'émeute. La sèche dévote reprochait alors à sa fille sa parfaite insensibilité (BALZAC, A. Savarus, 1842, p. 18).B.— Mouvement, agitation, soulèvement populaire qui explose en violence à l'occasion d'une situation tendue. Atmosphère, jour d'émeute. Si on tardait à leur montrer leur Pucelle, cris, menaces, émeutes... tout était à craindre, même des massacres (FRANCE, J. d'Arc, t. 1, 1908, p. 310). En Parigotes émotives, elles [les figurantes] imaginent confusément, au seul mot de grève, la descente dans la rue, l'émeute, la barricade (COLETTE, Music-hall, 1913, p. 119) :• 1. « Bagarres à Belfast! Émeutes sanglantes à Dublin! Échec lamentable de la conférence irlandaise de Buckingham! C'est une révitable guerre civile qui commence en Irlande...MARTIN DU GARD, Les Thibault, L'Été 1914, 1936, p. 346.SYNT. Émeute sanglante, terrible; l'émeute des faubourgs, des ouvriers; une émeute de paysans; affronter, combattre l'émeute; calmer, fomenter, provoquer, réprimer une émeute; être à la tête de l'émeute; l'émeute fermente, gronde, se déchaîne; tourner en émeute; tourner à l'émeute.— P. métaph. Qu'est-ce que les convulsions d'une ville auprès des émeutes de l'âme? (HUGO, Misér., t. 2, 1862, p. 383). Se sentir l'homme mal réveillé de son drame intérieur, de son éternelle révolution, de cette émeute en lui (MAURIAC, Journal 2, 1937, p. 184).C.— P. ext. Tapage, désordre, chahut, déchaînement. Émeute littéraire; une émeute de critiques. L'opéra ayant commencé plus tard qu'à l'ordinaire, il s'est fait une émeute dans le parterre (LA LAURENCIE, Éc. fr. violon, 1922, p. 253). Il se signale chaque semaine par une engueulade publique, un scandale, une émeute (DUHAMEL, Maîtres, 1937, p. 120) :• 2. Cette courtisane [l'Olympia, par Manet] couchée nue sur un lit, avec une négresse portant un bouquet, et un chat noir, fit émeute.MAUCLAIR, Les Maîtres de l'impressionnisme, 1904, p. 44.— Être assailli par une émeute de détails. Véronique se débattait au milieu d'une émeute de spectres (BLOY, Désesp., 1886, p. 158).Prononc. et Orth. :[emø:t]. Enq. /emøt, D/. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1160-74 esmote « mouvement, explosion, éclatement (d'une guerre) » (WACE, Rou, éd. A. J. Holden, III, 9909); 1326 spéc. en parlant de manifestations ou de soulèvements populaires Rebellions et esmuettes (A.N. JJ 64, f° 87 v° ds GDF. Compl.). Formé sur l'anc. forme esmeu du part. passé de émouvoir d'apr. meute au sens de « soulèvement, expédition, mouvement ». Fréq. abs. littér. :708. Fréq. rel. littér. :XIXe s. : a) 827, b) 1 825; XXe s. : a) 614, b) 957.émeute [emøt] n. f.ÉTYM. 1326; esmote, esmuete, XIIe, « émoi; mouvement, explosion (d'une guerre) »; encore émute au XVIIe; anc. p. p. de émouvoir.❖1 Vx. Émoi. ⇒ Émotion.1 L'écrevisse en hâte s'en vaConter le cas : grande est l'émeuteOn court, on s'assemble, on députeÀ l'oiseau : « Seigneur Cormoran,D'où vous vient cet avis ?Quel est votre garant ? »La Fontaine, Fables, X, 3.2 Mod. Soulèvement populaire, généralement spontané et non organisé, pouvant prendre la forme d'un simple rassemblement tumultueux, accompagné de cris et de bagarres. ⇒ Agitation, insurrection, révolte, sédition, soulèvement, trouble. || Une atmosphère d'émeute. || Émeute sanglante. || Les émeutes de la faim. || Une émeute de paysans. || Les émeutes de 1830, de 1848. || Émeute qui fermente, gronde, se déchaîne. ⇒ Anarchie. || Déchaîner une émeute. ⇒ Ameuter (→ Doré, cit. 5). || Juguler, réprimer une émeute. || Enrayer une émeute en dispersant les attroupements (cit. 2). || Loi martiale en vue de prévenir toute nouvelle émeute. || Émeute qui dégénère en insurrection, qui renverse le régime (→ Abdiquer, cit. 3). || Gouvernement fondé sur l'émeute (→ Baïonnette, cit. 4; barricade, cit. 6 et 7). — Émeute dirigée contre les Juifs. ⇒ Pogrom.2 Tout ainsi qu'il advient quand une tourbe (foule) émue,Qui deçà, qui delà, ardente se remue,De courroux forcenée, et d'un bras furieuxPierres, flammes et dards fait voler jusqu'aux cieux,Si de fortune (par hasard) alors un grave personnageSurvient en telle émeute (…)Ronsard, Élégies, XV.3 De cette barrière (du Trocadéro) on découvre Paris. J'aperçus le drapeau tricolore flottant; je jugeai qu'il ne s'agissait pas d'une émeute, mais d'une révolution.Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, V, p. 184.4 (…) au point de vue du pouvoir un peu d'émeute est souhaitable. Système : l'émeute raffermit les gouvernements qu'elle ne renverse pas. Elle éprouve l'armée; elle concentre la bourgeoisie; elle étire les muscles de la police; elle constate la force de l'ossature sociale. C'est une gymnastique; c'est presque de l'hygiène. Le pouvoir se porte mieux après une émeute comme l'homme après une friction.Hugo, les Misérables, IV, X, I.5 (…) contre l'émeute qui grondait le gouvernement n'avait pas pris de précautions extraordinaires. Pour se défendre et pour défendre le régime, il comptait surtout sur la garde nationale (…) des barricades se dressaient le 22 février (1848)… Les gardiens de l'ordre, au lieu de combattre l'émeute, la renforçaient.J. Bainville, Hist. de France, XIX, p. 474.5.1 Là où l'esclave se révolte contre le maître, il y a un homme dressé contre un autre (…) Le résultat est seulement le meurtre d'un homme. Les émeutes serviles, les jacqueries, les guerres des gueux, les révoltes des rustauds, mettent en avant un principe d'équivalence, vie contre vie (…)Camus, l'Homme révolté, p. 138.♦ Par ext. Tapage, désordre. ⇒ Chahut. || La salle sifflait les acteurs, cela tournait à l'émeute. — ☑ Loc. (Vieilli). Faire émeute : produire un effet vif sur le public, émouvoir à l'extrême. — REM. L'expression se rattache étymologiquement au sens 1, mais ne peut plus être comprise dans ce sens.6 Claude eut le cœur serré, en le voyant jeter un coup d'œil à son tableau solitaire, puis un autre à celui de Fagerolles, qui faisait émeute.Zola, l'Œuvre, p. 388.❖DÉR. Émeutier.
Encyclopédie Universelle. 2012.